Cette tribune a été publiée dans Enerpresse daté du 16 mai 2014.

La France doit gérer avec succès sa transition énergétique dans un contexte où la consommation de pointe augmente plus vite que la consommation moyenne nationale et où la part de la production intermittente va augmenter. Dans ce cadre, l’introduction d’un mécanisme permettant de mieux garantir la sécurité d’alimentation et à inciter à la maîtrise de la consommation devient nécessaire.

Après plusieurs mois de concertation entre les acteurs du marché de l’électricité sur la mise en œuvre du mécanisme de capacité, RTE a saisi conjointement le Ministre en charge de l’énergie et la Commission de Régulation de l’Energie sur un jeu de règles. Ces dernières sont le fruit d’un long travail de concertation et de rapprochement des positions effectué par le gestionnaire du réseau de transport avec rigueur, ouverture et transparence.

Le mécanisme de capacité a pour objectif de renforcer la sécurité d’alimentation en électricité des consommateurs français en rémunérant les centrales de production d’électricité mais également les capacités d’effacement en contrepartie de leur disponibilité effective lors des pointes de consommations françaises. Un décret paru en décembre 2012 avait déjà fixé les grandes lignes du mécanisme  notamment en décrivant l’obligation reposant sur les fournisseurs qui devront démontrer qu’ils sont en mesure de couvrir la consommation de leurs clients pendant les périodes de pointe. Pour cela, ils devront détenir des certificats de capacité. Ces certificats seront délivrés par RTE aux producteurs et aux opérateurs d’effacement s’engageant sur  la disponibilité de leurs installations lors de ces périodes de pointe.

Plusieurs dispositions retenues par RTE dans le jeu de règles sont déterminantes.

Tout d’abord, le gestionnaire du réseau de transport a fait le choix de proposer des périodes de comptabilisation des certificats sur des années civiles (janvier-décembre). Ce choix permet de simplifier la gestion de ce dispositif pour les fournisseurs. En outre, les marchés de gros de l’énergie étant déjà calés sur  une année civile, les interactions entre les marchés de l’énergie et de la capacité seront plus évidentes et simplifiées, ce qui in fine profitera au consommateur final. Par ailleurs,  ce calage calendaire permettra une harmonisation avec des mécanismes de capacités qui pourraient voir le jour en Europe, dans un contexte de fort développement d’énergies renouvelables, notamment outre-Rhin.

Le jeu de règles proposé permet également de responsabiliser chaque type de consommateur sur sa thermosensibilité (c’est-à-dire sa propension à augmenter sa consommation lorsque les températures baissent), notamment du fait du développement du chauffage électrique, sans faire porter aux consommateurs non thermosensibles les aléas générés par  ce choix de société.

L’AFIEG salue aussi la vision proposée par RTE pour apprécier la disponibilité des capacités sur l’hiver. Alors que plusieurs approches étaient envisagées, RTE propose une vision tenant compte de la disponibilité réelle des moyens de production et d’effacement plutôt qu’une vision basée sur les données historiques. Cette disposition contribuera à atteindre l’objectif de sécurité d’approvisionnement recherché par les pouvoirs publics. L’AFIEG déplore toutefois la distorsion majeure introduite dans la certification des capacités par le calage des périodes de pointe en fonction de la disponibilité du parc nucléaire. Cette distorsion va à l’encontre du principe de non discrimination entre capacités.

Par ailleurs, le projet de règles proposé par RTE ouvre la voie à une nécessaire harmonisation des mécanismes de capacité à travers l’Europe, permettant à la France de profiter de l’effet positif des capacités européennes pour la maîtrise de la pointe de consommation française. L’AFIEG soutient cette initiative qui s’inscrit dans une démarche de réalisation du marché intérieur de l’énergie, un objectif dont l’atteinte est largement plébiscitée par la Commission Européenne, comme elle vient de le rappeler. Les membres de l’AFIEG souhaitent néanmoins une mise en œuvre immédiate d’une participation explicite à ce mécanisme des capacités des pays interconnectés avec la France contribuant effectivement à sa sécurité d’approvisionnement.

Enfin, l’AFIEG considère que des mesures doivent être prises pour limiter le risque de pouvoir de marché identifié par l’Autorité de la Concurrence[i], avec la présence d’un acteur en position ultra-dominante. Cela rend nécessaire de se poser la question de l’accès réel des opérateurs alternatifs à des moyens de production. A minima, les activités de production et de fourniture d’électricité des opérateurs intégrés devraient être séparées, avec une complète transparence sur les conditions économiques de couverture par le fournisseur historique de son obligation (y compris en utilisant les capacités qu’il détient en propre).

En conclusion, l’AFIEG se félicite du chemin parcouru sous l’égide de RTE pour définir  un mécanisme visant à assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité dans un contexte de transition énergétique que la France se doit de réussir.


[i] Avis du 12 avril 2012 : « EDF sera donc l’opérateur dominant pour l’émission des certificats de capacité, du côté des producteurs, et pour la demande des obligations de garanties de capacité, du côté des fournisseurs. EDF va donc détenir un pouvoir de marché conséquent notamment sur la formation du prix des certificats, ouvrant ainsi un risque potentiel d’influence à la hausse ou à la baisse sur le prix du certificat échangé sur le marché pendant les quatre années qui précèdent l’année d’exercice de la capacité. ».

 

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